ANNSUN

L'ENCRIER

Elle aimait s’arrêter en bordure de cette route des Alpes de Haute-Provence. Devant cette grange colorée, transformée le temps de chaque été, en caverne d’Ali Baba.

L’accueil était toujours chaleureux : un large sourire illuminait le visage cuivré, encadré de cheveux mi-longs et blonds.

« Bonjour ! Comment allez-vous ? ».

Elle aimait cette approche et le charme de cette femme.

Et puis, dès le seuil franchi, tout n’était que bonheur : chaises de planteurs, céramiques marocaines, pots vernissés, miroirs soulignés de corne polie, coussins épais de soie moirée…

Ses yeux se posèrent sur un objet en terre cuite, de cette même couleur qu'ont les lacs d’altitude rencontrés après de longues marches et qui sont de véritables récompenses pour le marcheur. Cet objet, rectangulaire, doublé en son pourtour d’une sorte de rempart, percé de portes orientales, était un encrier ancien dont l’intérieur laissait voir encore des traces sombres.

   (Photo Annsun)

Quelles mains avaient plongé la plume, quels regards s’étaient noyés dans l’encre et les mots ?

Autour d’elle, des effluves d’encens flottaient. Elle ferma les yeux et lui revinrent ces palais chamarrés, le moelleux de ses pas sur les tapis anciens et aussi lorsque, assise en tailleur, elle retenait sa gourmandise ; jusqu’au moment où, lentement, ses doigts ornés de mille bagues à facettes portaient à ses lèvres impatientes des morceaux de pastilla sucrée et fondante.

Les femmes entraient alors, nues sous leurs voiles aériens, et son regard, à elle, ne pouvait se détacher de l’ondulation de leurs hanches exquises.

« Je vous offre un thé ? ».

Elle était là, devant elle, souriante, attirante et… sans voile aucun…

Cette histoire est peut-être vraie ou le fruit de son imagination…

© Annsun

LA BOUCHE...

"La bouche est un fruit que l'on mange à même la peau".

- Malcolm de Chazal -

INSAISISSABLE

Savait-il qu'elle était comme un papillon ? Comme une ondine de papier crépon enrubanné de satin...

Elle avait croisé ses jambes sous la table, très sagement. Si elle ne l'avait fait, il aurait pu sentir très vite qu'elle n'était pas aussi sage que cela. Dans l'air, tout invitait aux baisers. Baisers de soie, bouches de velours, langues-serpentins-étoiles filantes. La pointe de ses seins effleurait avec délice la mousseline sombre qui faisait ressortir davantage encore sa peau cuivrée. Elle sursauta. Il venait de prendre sa main qu'elle avait posée près de son verre. Il la pressait, presque trop. Elle tenta bien de la dégager mais en vain. Il avait plongé son regard brûlant tout au fond du sien, dessiné avec insistance le contour de son décolleté, s'était arrêté avec arrogance sur les pointes fières qui tendaient le voile de son caraco. Elle ne put s'empêcher de pousser un cri qu'elle voulut taire en se mordant les lèvres. Deux gouttes de sang perlèrent. Comme deux petits lacs pourpres sur lesquels les papillons aiment à se mirer. Elle ferma les yeux. Elle n'avait plus sa main prisonnière de la sienne. Plus ses jambes sages croisées sous la nappe blanche. Plus son regard à lui, posé comme du plomb sur sa peau si fine.

Elle flottait au-dessus de l'étendue d'argent et une myriade de papillons aux ailes diaphanes évoluait avec grâce tout autour d'elle. Insaisissable elle l'était. Il aurait pourtant suffi de si peu...

© Annsun

LANGUE AU CHAT

Approchez-vous,
Approchez-moi.
Touchez-moi,
Retouchez-moi.

Votre langue est doucement posée, là, comme lorsque, de la pointe du pinceau, je prélève une infime touche de couleur pour en voiler à peine le vernis et obtenir le délicat d'un glacis. Instant intense et bref.

Glacis de vos lèvres sur les miennes, dévoilées à peine, puis offertes à outrance.

Outrage commis sur les contours des lignes.

Contre votre langue au chat donnée, mon corps l'est aussi, le temps d'un glacis.

© Annsun

SEX & DESIGN... Le supplément sexy d'IDEAT

Je continue à me préoccuper de vous...  après vos devoirs de vacances (voir ma note du 08 août), vous aurez bien mérité ce petit livret intitulé Sex & Design, offert avec le numéro de Juillet/Août d'IDEAT (Déco Design).

De petit format, il vous suivra où vous le désirerez et vous découvrirez à l'intérieur :

- un article sur le sexe selon le photographe Terry Richardson et également selon Benedikt Taschen, éditeur de livres érotiques,

- le point de vue de plusieurs designers sur le sexe dans le design,

- une amusante sélection de sex toys, en corps et toujours..., de livres assez...,

- de belles photos qui nous montrent que le sexe et le design peuvent se marier sans se heurter et sans nous heurter...

Bref ! Bronzez coquins !

BALTHUS à la FONDATION Pierre GIANADDA

C'est toujours un grand bonheur pour moi de me rendre à la Fondation Pierre Gianadda, à Martigny, en Suisse. Chaque année ce lieu offre 2 grandes expositions et celle de l'été est, à mes yeux, la plus belle et la plus intéressante.

Martigny vit à l'heure des célébrations. 2008 marque les 30 ans de la création de sa Fondation. Et Léonard Gianadda a choisi Balthus, qu'il a bien connu. Balthus, né un 29 février, et qui aurait eu 100 ans cette année.

Vous laissez derrière vous Chamonix, vous arrivez au Col des Montets pour piquer droit sur la vallée. La route est étroite et sinueuse et elle danse au milieu des coteaux.

La Fondation nous accueille. Devant l'entrée, en haut des marches, une nouvelle et très belle sculpture de Rodin : le Baiser ! Un moment d'intense passion, un "couple enlacé, caressé par le soleil du Valais, palpitant d'érotisme, et qui annonce l'exposition Rodin Erotique qui sera présentée au printemps 2009" !!

Puis cadeau merveilleux que ces 52 peintures et 75 dessins de Balthazar Klossowski de Rola. Il y aurait tellement à dire sur lui. Déjà, à 12 ans, il est encouragé par le poète Rainer Maria Rilke, ami de sa mère, à éditer un livre illustré par une série de dessins. Rilke en fait la préface.

Cette exposition regroupe des tableaux du Centre Pompidou, du MOMA et du Metropolitan de NY, et de bien d'autres musées internationaux et collections privées qui ont joué le jeu. Egalement des inédits. Et puis... le tout premier tableau de Balthus, peint à Muzot, chez Rilke. Dans le couloir qui relie la salle principale au Musée de l'Automobile, de superbes photos NB faites par Cartier-Bresson. Instants touchants, regard tendre de Setsuko, sa femme.

Balthus est le Roi des Chats, le Peintre des jeunes filles, saisies dans une posture rêveuse, à l'intimité déconcertante... Il semble, tout au long de sa vie, avoir pris plaisir à causer des malentendus.  "Toutes mes figures féminines sont des anges, des apparitions. Les gens pensent que c'est de l'érotisme. C'est parfaitement absurde. Ma peinture est essentiellement et profondément religieuse"... disait-il.

Proche de Giacometti, Antonin Artaud, André Masson, Picasso, Jean-Louis Barrault, Visconti, Fellini...  Ami de Camus, Paul Eluard. Il est, de 1961 à 1976, Directeur de l'Académie de France à Rome, à la Villa Médicis. Il aime apparaître auprès de Johnny Depp, Philippe Noiret, Bono ! Picasso aurait vu une sorte de complément de la peinture de Balthus avec la sienne : "les deux faces d'une même médaille".

N'hésitez surtout pas ! Rendez-vous très vite à Martigny. Et si, comme moi, vous avez la chance de rencontrer Léonard Gianadda, dans le Parc des Sculptures, vous ne pourrez alors rester de marbre... !

Une date à retenir : le 1er septembre, une conférence aura lieu, à 20h, sur le thème : L'Art de Balthus.